Communication financière sur la mise en œuvre d’IFRS 16 :
Les pratiques observées chez les sociétés du CAC 40
Nous avons réalisé notre étude de benchmark de l’information financière portant sur la mise en œuvre de la norme IFRS 16 sur la base des rapports financiers annuels au titre de l’exercice 2018 d’un échantillon de 20 groupes du CAC 40. Si tous les groupes de notre échantillon communiquent sur leur projet de mise en œuvre de cette nouvelle norme, la quantité et la qualité des informations publiées sont hétérogènes. Nous observons que l’impact chiffré du nouveau modèle de comptabilisation des contrats de location sur le niveau de l’endettement varie fortement d’un groupe à l’autre au sein de notre échantillon (de 270 M€ pour le groupe LEGRAND à 11-13 milliards d’euros pour le groupe LVMH).
La norme IFRS 16 entre en vigueur pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019 et supprime désormais la distinction entre les contrats de location simple et les contrats de location-financement.
Notre étude portant sur l’échantillon de 20 groupes du CAC 40 (1) a pour objectif de recenser les pratiques de communication financière des entreprises, le niveau d’avancement des travaux, ainsi que les impacts de la première application d’IFRS 16.
ETAT DE LA MISE EN ŒUVRE
Nous observons que le degré de précision sur l’état d’implémentation de la norme varie d’un groupe à l’autre. D’une manière générale, les entreprises de notre échantillon n’ont pas achevé leurs travaux de mise en œuvre d’IFRS 16. Il est indiqué par la plupart de ces groupes que la mise en œuvre de l’IFRS 16 est en cours de finalisation. Cinq groupes n’ont pas communiqué sur l’état d’avancement de leurs travaux.
Pour le groupe ATOS, les impacts définitifs seront connus dans le rapport semestriel au 30 juin 2019.
VEOLIA ENVIRONNEMENT a précisé que les travaux de recensement et d’analyse des données des contrats de location sont désormais achevés.
Six groupes de notre échantillon ont indiqué avoir mis en œuvre une solution informatique permettant de gérer les données concernant les contrats de location. Seuls deux groupes ont communiqué la volumétrie des contrats à traiter (environ 47 000 contrats pour SAINT-GOBIN et 40 000 contrats pour VEOLIA).
Le groupe SAINT-GOBIN a fourni notamment une information détaillée sur la mise en œuvre de la solution informatique permettant de calculer les impacts et d’assurer le suivi opérationnel des contrats (voir figure 1).
Figure 1 : Extrait de rapport financier annuel 2018 du Groupe SAINT-GOBIN :
« Après avoir structuré son projet IFRS 16 en 2017, le Groupe a poursuivi, en 2018, ses travaux de recensement puis de collecte des contrats de location. Le Groupe dénombre près de 47 000 contrats de location dont 5 500 contrats immobiliers.
Afin de permettre les calculs des impacts et le suivi opérationnel des contrats, le Groupe SAINT-GOBIN a mis en place une solution informatique permettant :
- La saisie et le calcul de tous les contrats de location,
- La mise en jour des informations en temps réel,
- La génération des écritures comptables,
- La gestion des données prévisionnelles,
- L’analyse des impacts financiers. »
1) Les 20 groupes du CAC 40 sélectionnés dans notre échantillon sont : ACCOR, ATOS, CAP GEMINI, CARREFOUR, ENGIE, LEGRAND, L’OREAL, ORANGE, PERNOD RICARD, RENAULT, SAINT-GOBAIN, SANOFI, SCHNEIDER ELECTRIQUE, TECHNIPFMC, UNIBAIL-RODAMCO, VALEO, VEOLIA ENVIRONNEMENT, VINCI et VIVENDI. L’étude a été réalisée sur la base de l’information publiée dans les états financiers consolidés clos au 31/12/2018, à l’exception du Groupe PERNOD RICARD dont les comptes sont clos au 30/06/2018.
METHODE DE TRANSITION RETENUE :
Aucun groupe de notre échantillon n’a choisi d’appliquer la norme IFRS 16 par anticipation. Lors de la première application, ces groupes ont majoritairement retenu la méthode rétrospective simplifiée, laquelle consiste à ne pas retraiter les informations comparatives présentées et à comptabiliser l’effet cumulatif de retraitement à la date de première application. Seuls deux groupes (SAINT-GOBAIN et VEOLIA ENVIRONNEMENT) ont choisi la méthode rétrospective complète. Deux autres groupes n’ont pas fourni d’information à ce sujet.
Nous avons observé une variabilité importante de l’information publiée sur la mise en œuvre d’IFRS 16, telle que l’analyse des contrats au regard des critères définis par IFRS 16, la nature des actifs-sous-jacents, la séparation ou non entre la composante locative et la composante de service, les mesures de simplification retenues, la détermination de la durée de location et du taux d’actualisation, l’analyse qualitative et quantitative de l’impact, la réconciliation entre les engagements hors bilan selon l’ancienne IAS 17 et la dette de location selon l’IFRS 16.
Si tous les groupes de notre échantillon communiquent sur leur projet de mise en œuvre de cette nouvelle norme, la qualité et la quantité des informations publiées seront hétérogènes.
ESTIMATION DE L’IMPACT SUR LE MONTANT DE LA DETTE DE LOCATION
Nous constatons que la majorité des groupes de notre échantillon ont indiqué l’impact chiffré de la mise en œuvre d’IFRS 16 sur le montant de la dette de location à comptabiliser. Le Groupe VALEO a notamment fourni une estimation chiffrée de l’impact de la norme sur ses agrégats de communication financière (voir figure 2).
Néanmoins, quatre groupes n’ont pas fourni d’information à ce sujet. Un groupe indique que l’impact est en cours d’évaluation et un autre ne donne pas l’ordre de grandeur mais précise que celui-ci est significatif.
Nous observons que l’impact chiffré du nouveau modèle de comptabilisation des contrats de location sur le niveau d’endettement varie fortement d’un groupe à l’autre au sein de notre échantillon (de 270 M€ pour le Groupe LEGRAND à 11-13 milliards d’euros pour le Groupe LVMH).
Figure 2 : Extrait du rapport financier annuel 2018 du Groupe VALEO :
DETERMINATION DU TAUX D’ACTUALISATION
Nous avons pu noter que la majorité des groupes de notre échantillon (13 groupes sur 20) n’ont fourni aucune information sur les modalités de détermination du taux d’actualisation.
Pour les autres groupes, le taux d’actualisation retenu est le taux d’endettement marginal à la date de première application ou à la date du contrat (voir figure 3).
Figure 3 : Extrait du rapport financier annuel 2018 du Groupe SAINT-GOBIN :
« Le Groupe a procédé à l’étude de l’ensemble de ses contrats immobiliers afin de les analyser au regard des critères définissant une location selon la norme IFRS 16.
La durée de location des contrats immobiliers correspond à la période non résiliable complétée, le cas échéant des options de renouvellement (résiliation) dont l’exercice par le Groupe est jugé raisonnablement certain (ou non).
La position ANC a été retenue pour les baux commerciaux français de type 3/6/9, c’est-à-dire limiter la durée du contrat à neuf ans maximum. Le taux d’actualisation utilisé pour le calculer le droit d’utilisation et la dette de loyer est déterminé, pour chaque pays, pour chaque bien, à partir du taux marginal d’endettement à la date de signature.
Le Groupe a utilisé la méthode de la duration pour déterminer le taux applicable à chaque contrat. »
RECONCILIATION ENTRE LES ENGAGEMENTS HORS BILAN AU TITRE DES CONTRATS DE LOCATION SIMPLE SELON IAS 17 ET LA DETTE LOCATIVE SELON IFRS 16
La majorité des groupes de notre échantillon (17 groupes sur 20) ont fourni une information sur le montant des engagements hors bilan au titre des contrats de location. Trois groupes n’ont pas fourni l’information à ce sujet.
Dans sa recommandation pour l’arrêté des comptes 2018, l’AMF insiste sur l’importance de mentionner si le montant des paiements minimaux futurs au titre des contrats de location simple, fourni en application d’IAS 17, constitue une bonne indication du montant de la dette de location selon l’IFRS 16 ou si ce montant diffère significativement, et d’expliquer les différences majeures. Nous constatons que la majorité des sociétés de notre échantillon (par exemple, ORANGE, voir la figure 4) ont fourni une information narrative sur la réconciliation entre les engagements hors bilan au titre des contrats de location et la dette locative selon IFRS 16. Néanmoins, aucune de ces sociétés n’a fourni un rapprochement chiffré sur le sujet.
Nous attendons que la réconciliation chiffrée entre les engagements hors bilan selon IAS 17 et la dette locative selon IFRS 16 accompagnée des explications claires soit publiée dans les comptes semestriels au 30/06/2019.
Figure 4 : Extrait du document de référence 2018 du Groupe ORANGE :
« L’information relative aux engagements de location simple est fournie conformément aux normes et interprétations actuelles applicables.
La première application d‘IFRS 16 au 1er Janvier 2019 conduire le Groupe à fournir une information différente principalement du fait de :
- Champs d’application différents: le Groupe qualifiera un contrat comme un contrat de location dès lors qu’il confèrera au preneur le droit de contrôler l’utilisation d’un bien déterminé, y compris dès lors qu’un contrat de services contiendra une composante location (exclus les engagements hors bilan de location simple).
Le Groupe a par ailleurs choisi d’utiliser les deux exemptions proposées par la norme IFRS 16, c’est-à-dire les contrats dont la durée est inférieure à 12 mois et ceux dont la valeur à neuf du bien sous-jacent est inférieur à 5 000 euros.
- L’évaluation des loyers : les engagements hors bilan retiennent une durée minimale sans tenir compte des options de prolongation que le preneur a la certitude raisonnable d’exercer, incluent une réévaluation périodique des loyers et les franchises de loyer dans la base des paiements futurs minimaux. »
Dans son communiqué du 23 mai 2019, l’AMF a émis ses recommandations sur les informations à fournir au titre d’IFRS 16 pour la clôture des comptes semestriels 2019. Le régulateur insiste sur l’importance de :
- Mettre à jour les principes comptables au regard des nouvelles dispositions d’IFRS 16.
- Mentionner les jugements et estimations significatifs effectués en particulier concernant les sujets faisant l’objet de discussions ou saisines à l’IFRS IC (notamment la détermination des durées de location).
- Fournir la réconciliation entre les engagements présentés en hors bilan selon IAS 17 dans les états financiers au 31 décembre 2018 et la dette de loyers comptabilisée à la date de première application d’IFRS 16.
La communication financière étoffée portant sur la mise en œuvre d’IFRS 16 sera donc très attendue lors de la prochaine publication des comptes semestriels.
@ATH 2019