Dans le cadre de l’opération organisée par le Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables « à la rencontre des associations » https://www.experts-comptables.org/sites/default/files/assets/files/carte%20association.pdf
Nora Vartanyan, Présidente du Comité Associations de l’Ordre des Experts-Comptables Paris, Ile-de France et Marc Tenneroni sont intervenus sur le thème du rescrit fiscal.
Vous trouverez, ci-dessous, le texte de leur intervention :
Nous aimerions partager avec vous l’histoire d’une petite association qui n’a que 15.000 € de ressources et qui a pour objet de permettre à des gens en situation de handicap ou difficulté sociale de s’épanouir au contact du cheval.
Cela consiste non pas à faire un tour sur le dos de l’animal mais de mener une thérapie et de l’éveil corporel où le médiateur serait le cheval.
L’association consulte l’Administration Fiscale afin de s’assurer que cette activité n’est pas taxable. L’administration répond par un courrier de 4 pages et conclue que l’association n’est pas d’intérêt général et donc est soumise aux impôts commerciaux (TVA, IS, CFE…).
L’administration arrive à cette conclusion en prenant comme argument le non-respect de deux principes de non lucrativité à savoir le prix de l’activité d’éveil corporel pas assez différencié par rapport à la concurrence et le fait que l’association mene des actions de communication (publicité) pour faire connaitre ses services.
Autant vous dire que ce n’est pas cette réponse qui était attendue et que l’existence de l’association est mise en danger.
Nous pourrions considérer comme injuste cette décision au vue de nos valeurs humaines mais d’administration a une tout autre grille de lecture que nous allons décoder ensemble.
Nous aimerions pouvoir tirer d’affaire cette association et surtout vous éviter à vous-même de tomber dans ce piège.
Certes la plupart des associations exercent une activité à but non lucratif.
Pour assurer leur pérennité ou leur développement, elles mettent en œuvre d’autres activités.
Et la question essentielle qui se pose alors est la suivante : ces activités nouvelles sont-elles imposables ou pas ?
S’il est relativement facile de prendre connaissance des textes fiscaux, il demeure parfois difficile de les interpréter et de les appliquer au contexte spécifique de votre association.
C’est-à-dire qu’il n’y a pas toujours d’automatisme et il ne faut pas aborder l’administration « la fleur au fusil ».
La possibilité pour le contribuable de pouvoir écrire et opposer à l’administration fiscale sa doctrine s’appelle la procédure de rescrit fiscal.
Mais attention rescrit fiscal : Casse-cou !
Tu as raison Nora mais face à la notion de risque fiscal, on observe différents comportements :
- Certains responsables décideront de ne rien faire et d’attendre que l’Administration fiscale se manifeste. La motivation pour justifier cette attitude discrète est que, moins on se fait remarquer par l’Administration Fiscale et moins elle a connaissance de votre existence et donc moins il y a de risque d’être contrôlé par elle. Et le cas échéant, de mettre en œuvre une procédure contentieuse.
- Certains responsables préféreront ne pas du tout prendre de risque fiscal et décideront d’aller demander confirmation de leur position à l’Administration en mettant en œuvre la procédure du rescrit. C’est le cas de l’association que je vous ai cité en exemple.
- Enfin il y a ceux qui hésitent : rescrit ou pas rescrit ?
Disons Rescrit !
Dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure du rescrit, nous vous proposons de suivre les trois étapes suivantes :
- Premièrement commencer par décrire précisément la nature de l’activité envisagée.
- Deuxièmement, faire référence à l’article de la loi, ou à la doctrine fiscale qui est à la base du motif du rescrit.
- Troisièmement et c’est fondamental, vous présenterez une argumentation qui précisera les particularités de votre l’activité. Vous ferez la démonstration que les textes cités en référence ne peuvent pas être appliqué à l’activité, compte des spécificités de votre association, et donc que votre activité n’est pas imposable. Si des entreprises exercent des activités identiques à la vôtre, vous préciserez ce qui vous distingue de l’activité, du prix ou du produit distribué par votre association.
L’administration dispose d’un délai de 3 mois pour nous répondre et son silence vaut acceptation.
Si le contribuable n’est pas satisfait de la réponse, il peut, dans le délai de deux mois, solliciter un nouvel examen.
Point pour attention : le suivi du rescrit : La réponse de l’Administration ne vaut que pour l’activité décrite dans le rescrit en fonction de la législation fiscale à la date du rescrit. Mais si la situation change, ou si un nouveau texte apparait, il conviendra de renouveler la procédure.
On pourrait être tenté de penser qu’avec l’administration fiscale c’est très simple : j’ai un problème, j’écris et on me dit d’accord ce n’est pas imposable !
Mais ce n’est pas aussi simple ! On ne gagne pas à tous les coups !
Alors rescrit ou pas rescrit
Dans tous les cas (rescrit ou pas), notre recommandation est que, pour prendre sa décision, l’association doit se faire accompagner par ses conseils (avocat et expert-comptable). Ainsi, en cas de contrôle ils seront déjà au courant de la situation et pourront intervenir rapidement et de façon pertinente face à l’Administration.
De plus l’assistance des différents professionnels permettra de déterminer avant le début de la procédure ce qui doit être modifié, soit dans le vocabulaire de la présentation de l’activité, soit dans la rédaction des contrats.
Dans cette démarche, il est important de rester de bonne foi. Même si on sélectionne les termes pour décrire l’activité dans un sens qui nous est favorable, cette description doit correspondre à la réalité.
Cette étude aboutira peut-être à faire disparaitre tout fait générateur d’imposition et donc toute nécessité de rescrit.
Marc finalement avant l’analyse fiscale il convient de définir la nature juridique des documents et des opérations qu’ils décrivent. D’où la nécessité d’un examen approfondi des contrats, des conventions de subventions ou de marchés passé par l’association.
L’expérience montre que cette analyse n’est pas inutile et que très souvent, des documents a portées juridique et fiscale sont rédigés sans la contribution d’un juriste et encore moins d’un fiscaliste ET même très souvent rédigé directement par l’organisme financeur.
Nous ne reviendrons pas sur le sujet des subventions qui a déjà été abordé. Vous avez compris que la confusion entre une subvention et un appel d’offre a des conséquences financières, fiscales et pénales.
Ce n’est pas parce que, sur le document, il est écrit subvention qu’il s’agit forcément d’une subvention. La réalité peut être différente de l’apparence.
Au-delà des conséquences déjà mentionnées, cette situation peut faire naitre des dissensions au sein du conseil d’administration et remettre en cause le fonctionnement normal de l’association.
L’analyse d’un document juridique nécessite également l’analyse du modèle économique de l’opération qui en est l’objet.
C’est là où la présence de l’expert-comptable nous semble très utile, voire indispensable, auprès du client et de l’avocat.
Quelqu’un a dit que « Bien poser un problème c’est le résoudre à moitié ».
Bien comprendre le sujet dont on parle permet d’y associer d’abord les termes juridiques adéquats et les traitements comptable et fiscal adaptés, en toute cohérence.
Donc, mon cher Marc, si un ou une de tes clients ou cliente, t’appelle un lundi matin pour te dire que, comme suite à sa réflexion du week-end, il a sous le coude un rescrit à faire partir, qu’est-ce que tu lui réponds ?
A mon avis, ma chère Nora, il vaudrait mieux lui répondre : « Serait-il possible, avant l’envoi du document que l’on prenne un moment pour en parler ? »
Comme tu es une personne sympathique il ou elle va accepter et tu pourras lui faire passer tous les points que nous venons d’évoquer.
En conclusion, nous pouvons dire que, dans le cadre du rescrit et donc de l’analyse d’une activité, la bonne démarche consiste à suivre ces 3 étapes :
- Premièrement : Définir le modèle économique de l’activité et du financement,
- Deuxièmement : Analyser le contexte juridique qui structure cette activité et le schéma comptable qui en découle,
- Troisièmement : En tirer les conclusions d’un point de vue fiscal.
Ensuite on examine s’il est possible d’apporter quelques modifications soit dans le déroulement de l’activité ou de sa description qui la rendrait de façon évidente non assujettie aux impôts commerciaux.
Enfin une petite remarque pour continuer la réflexion sur la route : s’il apparaît qu’une activité est taxable, allez jusqu’au bout de l’analyse en calculant précisément l’impact. Nous avons constaté que, dans certains cas l’assujettissement aux impôts commerciaux générait des crédits de TVA. Ainsi le Trésor Public rétrocédait de la trésorerie à l’association.
Le pire n’est pas certain !
Notre expert
Marc Tenneroni
Expert-Comptable
mtenneroni@creatisgroupe.com