Cinq ordonnances relatives à la réforme du droit du travail ont été publiées au Journal officiel du 23 septembre 2017. Certaines mesures entrent en vigueur dès à présent, d’autres nécessitent des décrets d’application. Il est à noter que ces ordonnances doivent être ratifiées par une loi. Lors de l’examen du projet de loi de ratification au parlement, qui devrait commencer au cours de la semaine du 20 novembre, des modifications peuvent encore intervenir.
Nous présentons ici un panorama des principales mesures de trois des cinq ordonnances (1).
ACCORDS DE BRANCHE ET ACCORDS D’ENTREPRISE
La première ordonnance définit l’articulation entre l’accord de branche et l’accord d’entreprise. Elle définit ainsi le contenu de 3 blocs :
- En premier lieu, les domaines dans lesquels l’accord d’entreprise ne peut déroger à l’accord de branche dans un sens défavorable aux salariés : salaires minima, classifications, prévoyance, durée minimale du travail à temps partiel, CDD, CDI de chantier, période d’essai…
- En second lieu, les domaines dans lesquels l’accord de branche peut interdire à l’accord d’entreprise de déroger à l’accord de branche dans un sens moins favorable aux salariés : primes pour travaux dangereux, prévention de l’exposition aux facteurs de risques, travailleurs handicapés, délégués syndicaux.
- Le dernier bloc correspond à tous les domaines non cités dans le bloc 1 et 2. Dans ces domaines, l’accord d’entreprise conclu avant ou après l’accord de branche prévaut sur les dispositions de l’accord de branche ayant le même objet. En l’absence d’accord d’entreprise, il y a application de l’accord de branche.
Le champ de la négociation en entreprise devient très large. Les employeurs pourront ainsi, par accord d’entreprise, négocier des dispositions dérogatoires aux accords de branche, y compris dans un sens moins favorable aux salariés, par exemple sur les sujets suivants : prime de 13ème mois, prime d’ancienneté, taux de majoration des heures supplémentaires, contingent d’heures supplémentaires, …
Cette nouvelle hiérarchie est entrée en vigueur le 24 septembre 2017.
NÉGOCIATION DANS LES ENTREPRISES SANS DÉLÉGUÉ SYNDICAL
La première ordonnance assouplit les modalités de négociation dans les entreprises de moins de 50 salariés sans délégué syndical.
- Dans les entreprises de moins de 11 salariés, l’employeur pourra proposer un projet d’accord aux salariés. Pour être applicable, l’accord devra être ratifié par les 2/3 des salariés.
- Dans les entreprises de 11 à moins de 50 salariés, la négociation pourra se faire de différentes manières :
- par proposition d’un accord par l’employeur et sa ratification par les 2/3 des salariés (entreprises de moins de 20 salariés sans représentants du personnel),
- avec un salarié, représentant du personnel ou non, mandaté par un syndicat,
- avec un représentant élu du personnel, non mandaté par un syndicat.
Dans ce cadre, la négociation peut porter sur tous les thèmes ouverts à la négociation. Les accords ainsi conclus devront être déposés auprès de l’administration (conditions à fixer par décret).
Entrée en vigueur à la date de publication des décrets d’application, et au plus tard le 1er janvier 2018.
INSTAURATION DU COMITÉ SOCIAL ET ÉCONOMIQUE (CSE)
Il est prévu la fusion des trois instances de représentation du personnel actuelles (délégués du personnel, comité d’entreprise et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) en une seule : le comité social et économique (CSE).
Le comité social et économique doit être mis en place dans les entreprises ayant atteint l’effectif de 11 salariés pendant 12 mois consécutifs (modification par rapport aux actuels délégués du personnel).
Dans les entreprises de 11 à 49 salariés, la délégation du personnel au CSE exercera les attributions qui incombent actuellement aux délégués du personnel. Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE exercera les attributions actuellement dévolues aux CE, aux DP et au CHSCT. La nouvelle instance conserve la personnalité morale et toutes les compétences et prérogatives des anciennes institutions.
Le nombre de membres de cette instance, ainsi que les crédits d’heures, seront précisés par décret (durée minimale prévue de 10 heures dans les entreprises de moins de 50 salariés et de 16 heures dans les autres cas).
Le comité pourra, par accord avec l’employeur, aménager les conditions de son fonctionnement.
La durée des mandats des élus du comité reste maintenue à 4 ans. Toutefois et comme antérieurement, un accord col- lectif pourra prévoir une durée inférieure (entre 2 et 4 ans).
Dans les entreprises de 50 à moins de 2 000 salariés, le montant annuel de la subvention de fonctionnement reste fixé à 0,2 % de la masse salariale (0.22 % pour les entreprises de plus de 2 000 salariés). Il est prévu la possibilité de transférer le reliquat du budget de fonctionnement au budget des activités sociales et culturelles et inversement.
Ces dispositions entreront en vigueur à la date de la publication des décrets d’application et au plus tard le 1er janvier 2018.
Toutefois, des mesures transitoires sont prévues pour les entreprises ayant déjà des représentants du personnel. Elles pourront mettre en place le CSE au terme du mandat des élus et au plus tard le 31 décembre 2019. En tout état de cause, les mandats en cours cesseront de manière anticipée, au plus tard le 31 décembre 2019, afin de permettre la mise en place du nouveau comité social et économique à compter du 1er janvier 2020.
COMPTE PROFESSIONNEL DE PRÉVENTION
La nouvelle réforme vise à simplifier les obligations des employeurs au titre de la pénibilité.
A noter en premier lieu, que le « Compte personnel de prévention de la pénibilité » devient le « Compte professionnel de prévention ».
Actuellement l’entreprise doit identifier les salariés exposés à 10 facteurs de pénibilité. Il est prévu que ces facteurs soient redéfinis et que l’entreprise n’ait plus que 6 facteurs à suivre : le travail de nuit, les activités exercées en milieu hyperbare, le travail en équipes successives alternantes, le travail répétitif à une cadence contrainte, les températures extrêmes et le bruit.
Ces dispositions entreront en vigueur à la date de la publication des décrets d’application et au plus tard le 1er janvier 2018.
Les dépenses engendrées par le compte professionnel de prévention ne seront plus couvertes par une cotisation à la charge de l’employeur mais directement par la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général et celle du régime des salariés agricoles.
Cette réforme s’appliquera à compter du 1er janvier 2018.
A noter que les cotisations restent dues pour les expositions au titre des années 2015, 2016 et 2017.
Enfin, les entreprises de plus de 50 salariés doivent actuellement négocier un accord collectif ou à défaut élaborer un plan d’action de prévention de la pénibilité lorsqu’elles emploient une proportion minimale de salariés exposés. Seront également concernés, les employeurs qui ont une sinistralité, au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles (ATMP), supérieure à un certain seuil, déterminé par décret.
MESURES DIVERSES
- Négociations obligatoires. Sur ce thème, les dispositions du Code du travail sont réparties en trois sections : les dispositions d’ordre public, celles relevant du champ de la négociation collective et les dispositions supplétives.
Il est ainsi possible de fixer par accord : le calendrier, la périodicité, les thèmes et les modalités de négociation…
Il est imposé de programmer au minimum des discussions sur les thèmes de la négociation annuelle obligatoire. Pour ces thèmes la négociation a lieu au moins une fois tous les 4 ans.
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 24 septembre 2017.
- Branches professionnelles. Il est prévu l’accélération de la procédure de restructuration des branches professionnelles. L’objectif est de réduire le nombre de branches professionnelles à 200 dans le délai de 2 ans. Par ailleurs, il est prévu que les accords de branche ne pourront être étendus qu’à condition de comporter des dispositions spécifiques pour les entreprises de moins de 50 salariés ou de justifier pourquoi ils n’en contiennent pas.
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 24 septembre 2017.
- Accords majoritaires. Pour s’appliquer, les accords collectifs doivent être majoritaires. Cette condition doit s’appliquer pour tous les accords au 1er mai 2018. Si l’accord n’est pas majoritaire, il peut être validé par référendum, dès lors que celui-ci est demandé par des organisations syndicales ayant recueilli au moins 30 % des suffrages aux élections professionnelles. La réforme assouplit les conditions de recours au référendum en indiquant que l’employeur peut également prendre l’initiative d’organiser un référendum, en l’absence d’opposition des organisations syndicales signataires.
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 24 septembre 2017.
(1) Ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, Ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention.
@ATH2017