Le règlement ANC 2018-07 pose désormais le cadre comptable pour les opérations ICO en France.
D’une part, le traitement comptable des jetons émis est déterminé en fonction des droits et des obligations attachés aux jetons et décrits dans les documents d’information mis à disposition des souscripteurs et détenteurs. D’autre part, le mode de comptabilisation des jetons détenus est basé sur l’analyse de l’intention d’utilisation des services associés à ces jetons.
QUE SIGNIFIENT UNE ICO ET UN JETON ?
Initial Coin Offering (ICO) est une opération qui consiste à créer des jetons (tokens) sous forme numérique et à les distribuer aux souscripteurs en échange des cryptomonnaies primitives telles que Bitcoin ou Ether.
L’ICO constitue une nouvelle forme de financement permettant d’une part à l’émetteur de jetons de lever des capitaux pour assurer son projet de développement et d’autre part, au détenteur de jetons d’obtenir dès la phase de démarrage du projet un accès à ses fonctionnalités.
Selon la définition proposée par le règlement ANC 2018-07 et reprise du projet de la loi PACTE (article 26), constitue un jeton tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits, pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien.
À la différence des actions, les jetons ne représentent pas souvent des parts détenues dans l’entreprise émettrice de jetons, mais correspondent plutôt à un droit d’usage du service.
TRAITEMENT COMPTABLE DES JETONS ÉMIS
Pour appliquer le traitement comptable approprié aux jetons émis, le règlement ANC 2018-07 (art. 619-
2) précise que l’émetteur détermine le type d’offre de jetons émis en se fondant sur les caractéristiques des jetons décrites dans les documents d’information mis à disposition des souscripteurs et détenteurs.
Le règlement distingue deux types d’offre de jetons :
(1) Offres de jetons présentant les caractéristiques de titres financiers et de contrats financiers
Ces jetons comprennent les titres de capital émis par les sociétés par actions, les titres de créance, les parts d’organismes de placement collectif et les instruments financiers à terme. Ceux-ci sont comptabilisés conformément aux dispositions prévues au plan comptable général pour les titres financiers, les instruments financiers à terme ou les bons de caisse (ANC 2018-07, art. 619-3).
(2) Offres de jetons ne présentant pas les caractéristiques de titres financiers, contrats financiers ou bons de caisse
Le traitement comptable de ces jetons est déterminé en fonction des droits et des obligations attachés aux jetons et décrits dans les documents d’information mis à disposition des souscripteurs et détenteurs (ANC 2018-07, art. 619-4).
Si les jetons présentent les caractéristiques d’une dette remboursable, même à titre temporaire, ils doivent être comptabilisés en emprunts et dettes assimilées.
Si les jetons sont représentatifs de prestations restant à réaliser ou de biens restant à livrer, ils sont comptabilisés en produits constatés d’avance.
S’il n’existe pas d’obligations explicites ou implicites vis- à-vis des souscripteurs et détenteurs de jetons, les sommes collectées sont considérées comme définitivement acquises par l’émetteur et sont comptabilisées en produits.
Les droits et les obligations attachés aux jetons sont évalués à la date d’émission des jetons pour leur prix de souscription, ce prix étant défini dans le document d’information de l’offre de jetons.
Le règlement précise qu’une offre de jetons peut être composite et intégrer les droits et obligations de différentes natures vis-à-vis des souscripteurs et détenteurs (prestations restant à réaliser, biens restant à livrer ou dette remboursable).
Une analyse du document d’information doit être effectuée afin de déterminer le traitement comptable approprié pour chaque composante de l’offre de jetons (ANC 2018-07, art. 619-5).
Les jetons comptabilisés en emprunts et dettes assimilées sont valorisés à la clôture de l’exercice en euros sur la base du derniers cours de ces jetons à la clôture. Les différences d’évaluation sont inscrites dans des comptes transitoires, en attente de régularisations ultérieures :
- à l’actif du bilan pour les différences correspondant à une perte latente (compte 4746),
- au passif du bilan pour les différences correspondant à un gain latent (compte 4747).
En application du principe de prudence, les pertes latentes doivent faire l’objet d’une provision pour risques, en tenant compte le cas échéant des dispositions relatives aux opérations de couverture.
Information à fournir en annexe des émetteurs de jetons
Les émetteurs de jetons doivent fournir une information complète et détaillée en annexe, notamment sur :
- le contexte et l’objet du projet, la nature des jetons,
- les caractéristiques des droits et des obligations attachés aux jetons,
- les principes de comptabilisations des produits relatifs aux jetons émis,
- le montant des emprunts et dettes assimilées remboursables en jetons ou indexés sur la valeur de jetons,
- les modalités de détermination des valeurs retenues pour ces jetons,
- l’évolution de la cotation et le nombre de jetons émis et restant à émettre.
TRAITEMENT COMPTABLE DES JETONS DÉTENUS
Comme pour les jetons émis, le règlement distingue deux types de jetons.
(1) Jetons présentant les caractéristiques de titres financiers, contrats financiers ou bons de caisse
Ces jetons sont comptabilisés conformément aux dispositions prévues au plan comptable général pour les titres financiers, les contrats financiers et les bons de caisse.
(2) Jetons ne présentant pas les caractéristiques de titres financiers, contrats financiers ou bons de caisse
Le mode de comptabilisation de ces jetons est basé sur l’analyse de l’intention d’utilisation des services associés à la détention de jetons.
Lorsque le détenteur a l’intention d’utiliser les biens et services attachés aux jetons et ce au-delà de l’exercice en cours, les jetons sont comptabilisés en immobilisation incorporelle, amortie et dépréciée conformément au PCG (ANC 2018-07, art. 619-11).
Si le détenteur n’a pas l’intention d’utiliser les biens et services attachés aux jetons, ces derniers sont comptabilisés dans le numéro de compte 5202 « jetons détenus ».
Les variations de valeur vénale des jetons détenus sont inscrites au bilan en contrepartie de comptes transitoires :
- à l’actif du bilan en cas de perte latente,
- au passif du bilan en cas de gain
Les valeurs vénales des jetons détenus sont déterminées à la date clôture, sur la base des dernières informations fiables disponibles. En cas de perte latente, une provision pour risque doit être constituée en tenant compte le cas échéant des dispositions relatives aux opérations de couverture.
Les plus et moins-values de cession des jetons détenus sont calculées selon la méthode du premier entré – premier sorti (PEPS) ou du coût moyen pondéré d’acquisition (CMP). Les plus-values de cession sont comptabilisées dans le compte 7661 « Produits nets sur cessions de jetons » alors que les moins-values de cession sont enregistrées dans le compte 6661 « Charges nettes sur cessions de jetons ».
Information à fournir en annexe des détenteurs de jetons
Les détenteurs de jetons doivent fournir une information complète en annexe, notamment sur:
- le nombre et le montant des jetons détenus et comptabilisés en immobilisations incorporelles, leur caractère amortissable ou non-amortissable et les éventuelles dépréciations,
- le nombre et le montant des jetons détenus et comptabilisés en compte 5202 « jetons détenus » et le mode de détermination des valeurs vénales retenues,
- l’utilisation de la méthode premier entré – premier sorti ou du coût moyen pondéré pour la valorisation des jetons détenus.
@ATH2019