Aspects juridiques et réglementaires
Les relations entre la détention des immeubles de rapport (immeuble qui assure des revenus complémentaires) et les textes réglementant les associations n’ont jamais été simples.
Plusieurs limitations existent, ou ont existé. Ainsi, on peut noter que :
- Seules les associations reconnues d’utilité publique pouvaient, jusqu’à une époque pas si lointaine, recevoir des dons et des legs… sous le contrôle de la Préfecture ou du Conseil d’Etat ;
- Les associations cultuelles sont fortement incitées à ne détenir que des locaux ayant pour usage l’exercice du culte et la formation ou le logement des ministres du culte ;
- La loi de 2014 (ESS) autorise les associations déclarées… depuis plus de 3 ans, à posséder et administrer des immeubles acquis à titre gratuit, et sous réserve que l’association soit éligible au régime du mécénat.
Entre tolérances floues et restrictions difficilement compréhensibles, faut-il en déduire que le législateur (depuis 1901) ne perçoit pas l’intérêt pour les associations de disposer d’un patrimoine immobilier.
Fiscalité des revenus du patrimoine associatif
Une fois passé le cap réglementaire, il reste à gérer l’aspect fiscal.
L’Administration considère que les revenus provenant du patrimoine immobilier sont assujettis à l’impôt sur les sociétés au taux de 24 %.
Cet impôt est perçu quel que soit le montant du revenu : les limites de revenu taxable, applicables dans les sociétés commerciales (soit 34 900 €) pour bénéficier du taux préférentiel de 15 % ne sont pas retenues dans le contexte d’une association.
Non seulement l’impôt sur les sociétés est utilisé dans des associations qui n’ont aucune activité commerciale, mais en plus, il est appliqué aux revenus de la location d’immeubles nus… qui relève des activités à caractère civil.
Ne serait-il pas plus simple de parler d’impôt sur les associations ?
Solutions pour s’écarter de ce contexte compliqué et coûteux :
Différentes solutions existent permettant soit de réduire la charge d’impôt, soit de simplifier ou bien de totalement libérer l’accès à la propriété d’immeubles de rapport :
La fondation
Les revenus que les fondations tirent de leurs patrimoines mobilier, immobilier ou autre, sont exonérés.
Cette règle n’est pas applicable aux fondations d’entreprises, pour lesquelles les règles sont identiques aux associations.
La Société Civile Immobilière
Une association a le choix entre la détention directe de ses immeubles et la détention dans le cadre d’une Société Civile Immobilière de Gestion (SCI). Ainsi, toute association est autorisée à détenir des parts de SCI sans distinguer si les immeubles, qui sont la propriété de cette SCI, sont nécessaires à l’activité de l’association, ou s’il s’agit d’immeubles de rapport.
Les revenus de la SCI ne sont pas imposables à son niveau. Ils « remontent » dans les revenus des personnes (physiques ou morales) qui détiennent les parts de la SCI (principe de la transparence ou de la translucidité fiscale).
Selon l’article 206, 5-a du CGI, les revenus provenant d’une participation de l’association dans une SCI ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés à 24 %.
La constitution d’une SCI (filiale de l’association) qui porte les immeubles de rapport (immeuble loué nu), est d’une nature différente de la filialisation d’une activité à but lucratif. La première a un objet civil et la deuxième un objet commercial. Le traitement serait différent si l’immeuble était loué meublé (activité commerciale), ou si l’immeuble loué était acquis dans le cadre d’un crédit-bail (revenu considéré comme un bénéfice non commercial).
Le fonds de dotation
Les fonds de dotation sont libres de détenir des immeubles. Que ce soient des immeubles de rapport ou des immeubles utiles soit à leur fonctionnement, soit au fonctionnement des associations pour lesquels ils lèvent des fonds. Dans la mesure où la contrepartie de leur enregistrement figure en dotation non consomptible, les revenus tirés de la location éventuelle sont intégralement exonérés.
Conclusion
Dans cette approche il conviendrait d’appréhender tous les immeubles de l’association et pas seulement ses immeubles de rapport, afin de conserver une souplesse de gestion de l’ensemble du patrimoine immobilier :
- Dans le cas où l’association n’aurait pas la nécessité d’occuper la totalité des surfaces dont elle est propriétaire, des mesures de saine gestion devraient la conduire à louer tout ou partie des locaux inoccupés (ne serait-ce que dans le cadre d’un bail précaire, afin de ne pas prendre d’engagement à long-terme),
- Selon les nécessités de service ou de fonctionnement, un immeuble aujourd’hui occupé par l’association peut être loué nu et inversement.
Une restriction cependant, en ce qui concerne les associations cultuelles : Cette solution ne parait pas convenir car l’activité de ces associations est stricto sensu l’exercice du culte (qui peut inclure la formation des ministres du culte). Une étude semble cependant nécessaire, au cas particulier de chaque association, pour déterminer dans quelle mesure une association cultuelle pourrait détenir des immeubles de rapport.
L’état actuel de la législation et de la fiscalité amène à proposer une autre solution que le portage par l’association de ses immeubles :
- Effectivement, la solution de la fondation peut être envisagée. Mais la constitution d’une fondation suppose l’existence d’un patrimoine minimum important et figé dans son montant (1,5 millions € minimum) durant toute la vie de l’association. Il convient également d’accepter la tutelle de l’Administration dans le cadre de la gestion de la fondation.
- La SCI est une formule préconisée par plusieurs professionnels et pour les raisons pertinentes exposées ci-dessus.
Cependant, il convient de considérer que la SCI est composée, au minimum, de deux associés.
Ainsi, à côté de l’association, il est nécessaire de trouver un ou plusieurs associés. Les questions relatives à la personnalité des associés (actifs ou non dans l’association) et à la pérennité de leur mandat peuvent compliquer la gestion de l’action.
- Le Fonds de Dotation présente plusieurs avantages dans cette situation :
Le fonds de dotation semble être le véhicule juridique idéal pour porter l’ensemble du patrimoine immobilier du fonds, enregistré dans la catégorie des fonds non consomptibles.
Ainsi, tous les cas de figure dans la gestion de ce patrimoine pourront être envisagés (occupation ou non au titre de l’activité), sans que le régime fiscal des revenus du patrimoine ne soit modifié.
D’un point de vue pratique, il est plus facile d’envisager un legs en faveur d’un fonds de dotation qu’en faveur d’une SCI.
En ce qui concerne les impositions relatives au transfert de propriété du patrimoine, les dons et legs, répondant aux conditions pour bénéficier du mécénat, sont exonérés de droit de donation ou de successions (Art 795, 14 du CGI).
Cette disposition présente également d’autres intérêts fiscaux :
- D’abord pour les associations, dans la mesure où le transfert des immeubles vers le fonds de dotation serait exonéré de toute taxation. On peut donc envisager rapidement une réduction de la charge d’IS à 24 % sur les revenus fonciers. Eventuellement, il conviendra de déduire de l’avantage fiscal, le montant des honoraires du commissaire aux comptes, dont la présence est nécessaire au-delà de 10 000 € de ressources.
- Ensuite, pour les personnes assujetties à l’ISF lorsque les revenus du patrimoine sont inférieurs au montant de l’impôt. Le transfert d’une partie du patrimoine pourrait être effectué avant le décès, en franchise d’impôt.
- Les textes relatifs à ce mode de gestion sont clairs et le montage qui consiste à rassembler tous les immeubles dans une structure ad hoc telle que le fonds de dotation n’est pas susceptible d’être considéré par l’Administration fiscale comme un acte anormal de gestion.
Notre expert
Marc Tenneroni
Expert-comptable
mtenneroni@creatisgroupe.com