La loi travail vise comme objectif de faciliter la négociation collective au niveau de l’entreprise et de favoriser, dans un premier temps, la conclusion d’accords d’entreprise en matière de temps de travail. Présentation des principales nouvelles règles intéressant les PME.
Privilégier la négociation collective d’entreprise
Nouvelle hiérarchie des règles applicable en droit du travail
La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Travail », a instauré, depuis le 10 août 2016, une nouvelle organisation du code du travail pour l’application de ses dispositions concernant, dans un premier temps, la durée du travail et certains congés spécifiques. La réglementation du code du travail applicable à ces domaines est dorénavant composée de trois niveaux de règles :
> les règles d’ordre public que les entreprises doivent impérativement appliquer, sauf dérogations prévues par la loi elle-même ;
Sont d’ordre public notamment les règles fixant les temps de travail effectif, la durée légale de travail, les durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail ou les congés payés.
> les règles fixées par la négociation collective d’entreprise ou d’établissement ou de branche ; – et les dispositions supplétives ou supplémentaires qui s’appliquent en plus des règles d’ordre public et à défaut d’accord collectif d’entreprise, d’établissement ou de branche.
Ces règles supplétives peuvent être prévues par la loi elle-même, par décret, par le contrat de travail ou encore par l’employeur seul ou après avis ou consultation des représentants du personnel.
Priorité à l’accord d’entreprise en matière de durée du travail et de congés
L’accord d’entreprise l’emporte sur l’accord de branche.
La durée légale de travail effectif des salariés à temps plein reste fixée à 35 heures par semaine mais d’importants aménagements sont apportés.
Notamment concernant les règles applicables à la durée et temps de travail, aux repos et aux congés, domaines ouverts à la négociation collective d’entreprise (voir page suivante), l’accord d’entreprise ou d’établissement prime désormais sur l’accord de branche, sauf si la loi en décide autrement, comme pour le régime d’équivalence ou la durée minimale du travail à temps partiel inférieure à 24 heures qui ne peuvent être mis en place ou fixé que par une convention ou un accord de branche étendu.
Ainsi, en dehors des dispositions d’ordre public qui doivent être impérativement respectées par l’entreprise, les règles s’appliquant à la durée du travail, aux temps de repos et à certains congés spécifiques qui sont définies par l’accord collectif d’entreprise ou d’établissement, négocié par les partenaires sociaux au niveau de l’entreprise, prévalent les dispositions prévues par la convention collective ou l’accord collectif de branche qui n’intervient qu’à défaut d’accord d’entreprise ou d’établissement.
Domaines pour lesquels l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche
Les accords d’entreprise peuvent désormais fixer en priorité notamment :
– la rémunération des temps de restauration et de pause, les contreparties pouvant être accordées, sous forme de repos ou financière, pour les temps d’habillage et de déshabillage et pour les temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal du trajet domicile-travail, l’assimilation des temps d’habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif, la mise en place et les contreparties sous forme de repos ou financière des astreintes, le temps de pause quotidien (d’au moins 20 minutes) dès 6 heures de travail ;
– le dépassement de la durée quotidienne maximale de travail dans la limite de 12 heures en cas d’accroissement d’activité ou en raison de l’organisation de l’entreprise et de la durée hebdomadaire maximale de travail de 44 heures calculée sur 12 semaines consécutives dans la limite de 46 heures en moyenne sur 12 semaines, la dérogation au repos quotidien d’au moins 11 heures consécutives pour des activités caractérisées par la nécessité d’assurer une continuité du service ou par des périodes d’intervention fractionnées ;
– le taux de majoration des heures supplémentaires, l’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à une semaine et au plus sur l’année, la mise en place des conventions de forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année ;
– la mise en place des horaires du travail à temps partiel par l’employeur, la limite des heures complémentaires et la répartition des horaires de travail à temps partiel dans la journée ;
– les emplois permanents pourvus par du travail intermittent, la mise en place du travail de nuit ;
– les jours fériés chômés, autre que le 1er mai ;
– le début de la période de référence et la période de prise des congés payés ainsi que l’ordre des départs et les règles de fractionnement des congés payés ;
– la durée maximale des congés pour événements familiaux et du congé de solidarité familiale ou encore les durées minimale et maximale du congé sabbatique.
Attention, concernant l’aménagement du temps de travail sur plus d’1 semaine et au plus sur l’année, l’employeur de moins de 50 salariés peut, depuis le 10 août 2016, décider seul (sans accord collectif) d’aménager le temps de travail dans son entreprise sur une période pouvant aller jusqu’à 9 semaines, au lieu de 4 semaines pour les entreprises de 50 salariés et plus.
Par ailleurs, concernant le congé de maternité, depuis le 10 août 2016, l’employeur ne peut pas rompre le contrat de travail d’une salariée pendant les 10 semaines (au lieu de 4 auparavant) qui suivent la fin de son congé de maternité ou la fin de ses congés payés pris immédiatement après son congé de maternité. Quant à l’autre parent de l’enfant né, le plus souvent le père, son contrat de travail ne peut pas être rompu pendant les 10 semaines suivant la naissance de son enfant.
Exemple d’application des 3 niveaux de règles pour la majoration du paiement des heures supplémentaires.
– Règle d’ordre public : toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent (c. trav. art. L. 3121-28) ;
– Règle à définir par accord d’entreprise : il revient à un accord collectif d’entreprise/d’établissement (ou, à défaut, un accord de branche) de prévoir le ou les taux de la majoration des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale ou équivalente. Ce taux ne peut être inférieur à 10 % (c. trav. art. L. 3121-33, I- 1°). L’accord d’entreprise n’a donc plus à respecter le taux de majoration fixé par l’accord de branche ; il peut fixer un taux inférieur à celui de l’accord de branche à condition de respecter le minimum de 10 % ;
– Règle supplétive : en l’absence d’accord d’entreprise ou de branche, c’est le taux de majoration légal qui s’applique par défaut aux heures supplémentaires, soit 25 % pour les 8 premières et 50 % au-delà (c. trav. art. L. 3121-36).
En pratique, un accord d’entreprise peut donc être moins favorable pour les salariés que la convention ou l’accord de branche, sous réserve du respect des règles d’ordre public et des domaines réservés exclusivement à la négociation de branche, notamment les garanties applicables aux salariés en matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives complémentaires, de mutualisation des fonds de la formation professionnelle et depuis le 10 août 2016, en matière de prévention de la pénibilité et d’égalité professionnelle entre hommes et femmes (c. trav. art. L. 2232-5-1,1°).
Conclure un accord d’entreprise
Pour être valable, l’accord d’entreprise ou d’établissement doit être signé par un ou plusieurs syndicats de salariés représentatifs ayant obtenu plus de 50 % des suffrages exprimés au 1er tour des dernières élections professionnelles. Si cette majorité n’est pas atteinte mais que les syndicats signataires ont obtenu plus de 30 % des suffrages exprimés, ils peuvent soumettre l’accord d’entreprise à la consultation des salariés de l’entreprise; l’accord est valable s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. L’accord d’entreprise doit déterminer sa durée d’application, à défaut, il s’applique pendant 5 ans.
Ces nouvelles règles de validité des accords d’entreprise ou d’établissement s’appliquent, depuis le 9 août 2016, aux nouveaux accords de développement ou de préservation de l’emploi, y compris en matière de rémunération et de durée du travail, à partir du 1er janvier 2017 aux accords portant sur la durée du travail et les congés et à compter du 1er septembre 2019 à l’ensemble des autres accords.
Les conventions et accords de branche, de groupe, interentreprises, d’entreprise et d’établissement conclus à compter du 1er septembre 2017 devront être versés dans une base de données nationale pour être publiés sur Internet dans un standard ouvert aisément réutilisable.
Négocier dans les petites entreprises
Dans les TPE-PME sans délégué syndical, ni représentant du personnel (RP) mandaté par un syndicat de salariés représentatif, l’employeur peut désormais négocier, conclure ou réviser un accord d’entreprise ou d’établissement, pour les domaines relevant de son champ de négociation, avec les membres titulaires du comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou avec les délégués titulaires du personnel représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. Si aucun RP ne souhaite négocier l’accord ou s’il n’y a pas de RP dans l’entreprise, l’employeur peut négocier avec au moins un salarié mandaté par un syndicat de salariés représentatif dans la branche ou au niveau national et interprofessionnel.
Des accords types négociés par la branche. Par ailleurs, un accord collectif de branche étendu peut contenir des dispositions spécifiques pour les entreprises de moins de 50 salariés, notamment sous forme d’accord type indiquant à l’employeur les possibilités d’adaptation qui lui sont laissées en fonction de la taille et l’activité de son entreprise. L’employeur couvert par l’accord collectif de branche étendu peut décider d’appliquer l’accord type grâce à un document unilatéral mentionnant les dispositions qu’il retient après en avoir informé les délégués du personnel, s’il existe, ainsi que les salariés. Des accords types de branche peuvent permettre notamment le recours aux conventions de forfait en jours sur l’année ou l’aménagement du temps de travail sur une année et jusqu’à 3 ans.
Licenciement pour motif économique redéfini
L’employeur peut licencier pour motif économique en raison d’une suppression ou d’une transformation d’emploi ou d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail refusée par le salarié, suite notamment :
– à des difficultés économiques ;
– à des mutations technologiques ;
– à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
– à la cessation d’activité de l’entreprise.
À compter du 1er décembre 2016, les difficultés économiques de l’entreprise seront caractérisées notamment par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique comme une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou encore une importante dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation. La durée de la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, par rapport à la même période de l’année précédente, devra être au moins :
– de 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
– de 2 trimestres consécutifs pour celle de 11 à moins de 50 salariés ;
– de 3 trimestres consécutifs pour celle de 50 à moins de 300 salariés ;
– et de 4 trimestres consécutifs pour celle de 300 salariés et plus.
> La suppression, la transformation d’emploi et la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécient au niveau de l’entreprise.
Mise en place d’un compte personnel d’activité en 2017
Au 1er janvier 2017, un compte personnel d’activité (CPA) sera créé, sous réserve de la parution des décrets d’application d’ici cette date. Ce CPA bénéficiera notamment à toute personne âgée de 16 ans et plus (15 ans pour les apprentis) occupant un emploi.
Le CPA sera constitué du compte personnel de formation, du compte personnel de prévention de la pénibilité et d’un compte d’engagement citoyen qui recensera les activités bénévoles ou de volontariat de son titulaire (ouvrant droit à des heures de formation et des jours de congés pour l’exercice de ces activités). Le CPA comptabilisera les droits du titulaire et organisera leur conversion selon des modalités prévues pour chaque compte. Le titulaire du CPA pourra consulter ses droits inscrits grâce à un service Internet gratuit